LIVRE
UN BRIN D HERBE CONTRE LE GOUDRON.........
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BLOG "REGARDS LATINO" 21 mai 2012
Ce livre est le récit d’un rencontre entre une femme humble et extraordinaire et l’histoire. Cette femme n’est pas une indignée. C’est une révoltée, révoltée dès son enfance contre des parents qui ne veulent pas qu’elle aille à l’école, révoltée contre les convenances qui l’obligent à accepter un mari qu’elle ne connaît pas mais qu’elle finira par aimer. Mais surtout révoltée contre les gringos de Texaco dont l’activité pétrolière a réduit à néant son environnement.
« Nous étions au Paradis, nous sommes tombés en enfer »
m’a-t-elle raconté lors de nos longs entretiens. Pour elle, Texaco a
tout tué : les poissons, la rivière, la faune et la flore, la forêt et
surtout la culture. « Ma culture ? Ne dépendre de rien ni de personne. Seule la forêt devrait dicter sa loi » explique-t-elle.
Aujourd’hui, elle voit ses enfants contraints de travailler pour
toucher un salaire afin d’acheter la nourriture qu’auparavant la forêt
dispensait sans réserve.
C’est aussi cela la mondialisation : l’imposition à
tous, même aux populations vivant dans les lieux les plus reculés, de
participer au grand marché global. Débuté en 1993, la procédure a traîné
aux Etats-Unis jusqu’à ce qu’un juge de New York décide
en 2002 que seul un tribunal équatorien était compétent dans cette
affaire. Le procès n’a abouti à un jugement qu’en 2011 au tribunal civil
de Lago Agrio en Equateur.
La justice équatorienne a confirmé en janvier 2012 la condamnation de Chevron, qui a racheté Texaco entre temps, à 19 milliards de dollars de réparations,
la plus importante peine jamais prononcée dans une affaire de
pollution. Cette somme est le résultat d’une estimation du coût de
réparation des dommages causés par l’exploitation pétrolière : nettoyage
de l’eau, de la terre, création d’un système d’adduction d’eau,
création d’un réseau de santé, etc. Les minutes du jugement, qui sont en partie reproduites à la fin de l’ouvrage, montrent que cette sentence a été minutieusement construite.
«La justice a enfin reconnu que je ne mentais pas, que mon mari et deux de mes enfants n’étaient pas morts par hasard », explique Maria Aguinda.
Bien sûr, Chevron ne disposant d’aucun actif en Equateur, il sera
difficile pour les autorités de ce pays de contraindre rapidement la
compagnie pétrolière à verser ces dommages et intérêts. Mais cette
condamnation n’en reste pas moins un extraordinaire précédent qui risque
d’avoir des suites dans d’autres pays. Au Brésil, suite à une fuite du un puits offshore, le gouvernement a pris il y quelques semaines une décision de saisie conservatoire des biens
de Chevron pour une valeur de 9 milliards de dollars. « Un brin d’herbe
contre le goudron » est un témoignage poignant sur le colonialisme
d’aujourd’hui qui provoque des catastrophes multiples, particulièrement
dans les Andes, dont les premières victimes sont souvent les populations
autochtones.
Un brin d'herbe contre le goudron, Maria Aguinda avec la
collaboration de Patrick Bèle, Edition Michel Lafon, 189 pages, 17,95
euros.
PS c'est un blog du Figaro. Mais l'auteur jouit d'une indépendance d'esprit totale, et surtout fait preuve d'une grande honnêteté intellectuelle et d'un attachement viscéral au continent latino américain